Vous envisagez de céder votre entreprise et vous vous interrogez sur les conséquences fiscales de cette opération ? La question de la fiscalité constitue souvent une préoccupation majeure lors d’une transmission d’entreprise. Entre la volonté de préserver le capital durement acquis, le souhait de réinvestir dans de nouveaux projets et la nécessité d’éviter une charge fiscale immédiate trop lourde, les enjeux sont multiples. L’apport-cession représente une solution fiscale permettant de reporter l’imposition de la plus-value réalisée lors de la vente de vos titres. Nous vous détaillons dans cet article ce mécanisme encadré par l’article 150-0 B ter du Code général des impôts, en vous présentant chaque étape du processus et les conditions à respecter pour en bénéficier.
Qu’est-ce que l’apport-cession
L’apport-cession constitue un dispositif fiscal codifié à l’article 150-0 B ter du Code général des impôts qui offre aux entrepreneurs la possibilité de reporter l’imposition de la plus-value réalisée lors de la cession de titres de sociétés. Le principe repose sur l’apport des titres à une société holding avant de procéder à leur cession effective, permettant ainsi d’éviter une taxation immédiate au taux de 30% correspondant au prélèvement forfaitaire unique. Cette opération présente un intérêt particulier pour les chefs d’entreprise qui souhaitent maximiser leur capacité de réinvestissement en conservant l’intégralité du produit de cession.
Concrètement, au lieu de vendre directement vos titres et de supporter une imposition immédiate sur la plus-value, vous transférez d’abord ces titres à une holding que vous contrôlez. Cette structure procède ensuite à la vente au repreneur. La plus-value constatée lors de l’apport se trouve alors figée et placée en report d’imposition, vous laissant la libre disposition des liquidités pour financer vos projets futurs. Nous considérons que ce mécanisme s’avère particulièrement adapté aux situations où le montant de la plus-value atteint des niveaux significatifs, rendant la charge fiscale immédiate particulièrement pénalisante.
Les avantages fiscaux du dispositif
Le dispositif de l’apport-cession présente plusieurs bénéfices substantiels pour les entrepreneurs. Le report d’imposition sur la plus-value constitue l’avantage principal, permettant de différer le paiement de l’impôt jusqu’à la survenance de certains événements spécifiques. Vous disposez ainsi de la possibilité de réinvestir 100% du produit de cession, alors qu’une vente directe ne vous aurait laissé qu’environ 70% après déduction des prélèvements fiscaux et sociaux. Cette disponibilité financière accrue offre une flexibilité considérable dans vos choix d’investissement futurs, que ce soit pour financer de nouvelles activités entrepreneuriales ou diversifier votre patrimoine.
Au-delà de l’aspect purement fiscal, l’apport-cession facilite la transmission familiale progressive de votre patrimoine. Vous pouvez organiser la donation des titres de la holding à vos descendants tout en bénéficiant, sous conditions, d’une exonération définitive de l’impôt sur la plus-value en report. Ce dispositif permet également d’éviter la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui aurait pu s’ajouter à la flat tax en cas de cession directe. Nous estimons que cette combinaison d’avantages en fait un outil particulièrement pertinent pour structurer une transmission d’entreprise dans une optique patrimoniale globale.
Le mécanisme de l’apport-cession étape par étape
La mise en œuvre du dispositif s’articule autour de trois étapes distinctes qui doivent être exécutées dans un ordre précis. La première étape consiste à créer ou utiliser une société holding soumise à l’impôt sur les sociétés. Vous devez impérativement contrôler cette structure, ce qui implique une détention d’au moins 33,33% des parts ou actions. Cette notion de contrôle s’interprète de manière large et peut s’apprécier non seulement par la détention directe de titres, mais aussi par l’exercice effectif du pouvoir de décision au sein de la société. La création de cette holding constitue le socle juridique indispensable à la réalisation de l’opération.
La deuxième étape correspond à l’apport des titres de votre société opérationnelle à la holding. Cet apport s’effectue à la valeur vénale des titres, c’est-à-dire leur valeur réelle de marché au moment de l’opération. Vous recevez en contrepartie des actions ou parts de la holding nouvellement émises. La plus-value latente, calculée comme la différence entre la valeur d’apport et le prix d’acquisition initial des titres, se trouve alors figée et placée en report d’imposition. Cette crystallisation du montant de l’impôt présente un avantage non négligeable, puisque toute évolution ultérieure de votre situation fiscale personnelle n’affectera pas le calcul de cette imposition différée.
La troisième et dernière étape consiste en la cession effective des titres par la holding au repreneur. Cette vente intervient généralement dans un délai rapproché après l’apport, parfois même simultanément. Aucun impôt n’est dû à ce stade pour la holding car aucune prise de valeur n’est constatée entre l’apport et la cession, les deux opérations étant réalisées à la même valeur. Le produit de cession se trouve alors intégralement disponible dans la trésorerie de la holding, vous offrant une capacité de réinvestissement maximale pour financer vos projets futurs.
Les conditions à respecter
Pour profiter de ce dispositif fiscal avantageux, plusieurs critères stricts doivent être remplis sous peine de remise en cause du report d’imposition. Nous vous présentons les principales conditions que vous devez impérativement respecter :
- Contrôle de la holding : Vous devez détenir au moins 33,33% du capital ou des droits de vote de la société holding bénéficiaire de l’apport. Cette notion de contrôle s’apprécie en tenant compte des titres détenus directement ou indirectement, ainsi que par l’intermédiaire de votre groupe familial.
- Régime fiscal de la holding : La société holding doit impérativement être soumise à l’impôt sur les sociétés. Les structures soumises à l’impôt sur le revenu ou bénéficiant d’une exonération d’IS ne permettent pas de bénéficier du dispositif.
- Obligations de réinvestissement : Si la cession des titres intervient moins de trois ans après l’apport, vous devez réinvestir au moins 60% du produit de cession dans un délai de deux ans dans des actifs éligibles. Au-delà de trois ans, le réinvestissement devient libre.
- Déclaration fiscale appropriée : Vous devez remplir la déclaration spéciale des plus-values n°2074-I lors de l’année de l’apport et mentionner chaque année suivante le montant de la plus-value en report dans votre déclaration de revenus. Une attestation de la holding reconnaissant l’existence du report d’imposition doit également être fournie.
Le réinvestissement du produit de cession
Les règles de réinvestissement diffèrent sensiblement selon le délai écoulé entre l’apport et la cession des titres. Si vous cédez les titres apportés moins de trois ans après l’apport, vous devez obligatoirement réinvestir au moins 60% du produit de cession dans un délai de deux ans suivant la vente. Ce réinvestissement doit porter sur des actifs éligibles, c’est-à-dire des activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales, agricoles ou financières. La gestion de patrimoine mobilier ou immobilier demeure explicitement exclue du dispositif. En revanche, si la cession intervient après trois ans, vous bénéficiez d’une liberté totale dans l’utilisation du produit de cession sans obligation de réinvestissement.
Les investissements éligibles au quota de 60% se répartissent en plusieurs catégories distinctes. Vous pouvez financer l’acquisition de moyens permanents nécessaires à l’exploitation de la holding, acquérir le contrôle d’une société exerçant une activité économique éligible, souscrire au capital lors de la création ou de l’augmentation de capital d’une société, ou investir dans des placements financiers spécifiques comme les FCPR, FPCI, SLP ou SCR. Ces fonds d’investissement doivent respecter des critères stricts, notamment investir au moins 75% de leurs actifs dans des sociétés éligibles au terme d’un délai de cinq ans. Nous recommandons vivement de vous faire accompagner par des spécialistes pour identifier les investissements conformes aux exigences du dispositif.
Les délais de conservation obligatoires varient selon la nature des investissements réalisés. Pour les biens ou titres acquis directement, une conservation minimale de 12 mois suffit à sécuriser le maintien du report d’imposition. En revanche, pour les parts ou actions de placements financiers éligibles, vous devez respecter une durée de détention d’au moins cinq ans à compter de la signature de votre engagement de souscription. Cette contrainte temporelle plus longue s’accompagne néanmoins d’avantages fiscaux complémentaires, puisque ces fonds permettent de bénéficier d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15% sur les plus-values réalisées.
Les risques et pièges à éviter
Plusieurs erreurs fréquentes peuvent entraîner la remise en cause du report d’imposition et déclencher l’exigibilité immédiate de l’impôt sur la plus-value. Le non-respect des délais de réinvestissement constitue le piège le plus courant : si vous ne réinvestissez pas les 60% requis dans les deux ans suivant la cession des titres, le report prend automatiquement fin. De même, l’investissement dans des actifs non éligibles, comme la gestion de patrimoine immobilier ou mobilier, invalide le bénéfice du dispositif. Nous observons régulièrement des situations où des entrepreneurs pensent respecter les conditions en acquérant des biens immobiliers, alors que seuls les actifs affectés à l’exploitation d’une activité économique sont admis.
La cession prématurée des investissements réalisés dans le cadre du remploi représente un autre risque majeur. Si vous vendez les titres ou biens acquis avant l’expiration des délais de conservation obligatoires, vous perdez le bénéfice du report d’imposition. Le défaut de contrôle de la holding, notamment en cas de dilution de votre participation en dessous du seuil de 33,33%, entraîne également l’exigibilité de l’impôt. Enfin, le non-respect des obligations déclaratives annuelles peut être sanctionné. Nous insistons sur l’importance d’un suivi rigoureux et d’un accompagnement professionnel pour sécuriser l’ensemble du processus et éviter ces écueils qui peuvent rendre l’opération financièrement désavantageuse, voire générer des pénalités de retard.
Exemple concret et chiffré
Prenons le cas d’un entrepreneur qui a créé son entreprise il y a dix ans en apportant un capital initial de 200 000 €. Sa société connaît une belle réussite et se trouve aujourd’hui valorisée à 2 millions €. Un repreneur se manifeste et propose d’acquérir l’intégralité des titres à ce prix. La plus-value réalisée s’élève donc à 1,8 million € (2 millions € – 200 000 €). En cas de cession directe, cette plus-value serait soumise au prélèvement forfaitaire unique de 30%, soit une imposition de 540 000 €. L’entrepreneur ne disposerait alors que de 1 460 000 € après impôt pour ses projets futurs.
Grâce au mécanisme de l’apport-cession, l’entrepreneur apporte d’abord ses titres à une holding qu’il contrôle, valorisés à 2 millions €. La holding procède ensuite à la vente au repreneur pour le même montant. L’impôt sur la plus-value de 540 000 € se trouve placé en report et n’est pas immédiatement exigible. L’entrepreneur dispose ainsi de l’intégralité des 2 millions € dans sa holding pour réinvestir. Si la cession intervient moins de trois ans après l’apport, il devra réinvestir au moins 1,2 million € (60% de 2 millions €) dans des actifs éligibles dans un délai de deux ans. Les 800 000 € restants peuvent être utilisés librement. Cette économie d’impôt temporaire lui permet de générer des revenus supplémentaires sur les 540 000 € qui auraient été versés au fisc en cas de cession directe.
| Critères | Cession directe | Apport-cession |
|---|---|---|
| Valeur de cession | 2 000 000 € | 2 000 000 € |
| Plus-value réalisée | 1 800 000 € | 1 800 000 € |
| Imposition immédiate | 540 000 € | 0 € |
| Report d’imposition | Non applicable | 540 000 € |
| Capital disponible pour réinvestir | 1 460 000 € | 2 000 000 € |
L’apport-cession pour qui
Ce dispositif s’adresse prioritairement aux dirigeants détenant des participations significatives dans leur société, généralement supérieures à 33,33% du capital. Les entrepreneurs ayant réalisé une forte plus-value latente sur leurs titres constituent le public privilégié de ce mécanisme, particulièrement lorsque le montant de l’imposition immédiate représenterait une charge financière importante. Nous observons que l’apport-cession présente un intérêt majeur pour les chefs d’entreprise qui souhaitent réinvestir dans de nouveaux projets professionnels, qu’il s’agisse d’acquérir le contrôle d’une autre société ou de financer le développement d’activités entrepreneuriales.
Les entrepreneurs qui préparent une transmission familiale progressive trouvent également un avantage considérable dans ce dispositif. La possibilité de donner les titres de la holding à vos descendants tout en bénéficiant, sous conditions de conservation, d’une exonération définitive de l’impôt sur la plus-value en fait un outil de planification patrimoniale particulièrement efficace. Ce mécanisme s’adresse exclusivement aux personnes physiques résidentes fiscales françaises détenant des titres de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés. Nous soulignons que la complexité du dispositif nécessite un accompagnement professionnel rigoureux pour en maximiser les bénéfices et sécuriser l’ensemble du processus.
Sources internet :
https://laplace-groupe.com/publications/concept/lapport-cession-un-dispositif-fiscal-pour-la-transmission-dentreprise
https://www.professioncgp.com/article/juridique-et-fiscal/entreprises/lapport-cession-un-dispositif-fiscal-pour-la-transmission-dentreprise.html
https://www.hexa-patrimoine.com/apport-cession/
https://www.louvrebanqueprivee.fr/banque-privee/public/web/c_23049/cession-d-entreprise-la-holding-et-le-mecanisme-de-l-apport-cession
https://blast.club/blog/mecanisme-de-lapport-cession
https://sapians.com/blog/apport-cession-reinvestissement
https://laplace-groupe.com/academie/dirigeants-entreprises/transmission-dentreprise-les-avantages-de-lapport-cession
https://lita.co/fr/defiscaliser-investissement/apport-cession-150-ob-ter
https://sapians.com/blog/apport-cession-reinvestissement-entreprises
https://www.avocats-picovschi.com/apport-cession-l-optimisation-fiscale-de-la-revente-de-titres-de-societes_article_1991.html
https://www.clubpatrimoine.com/contenus/impot-plus-values-mecanique-apport-cession
https://www.legalplace.fr/guides/apport-cession/
https://www.rydge.fr/articles-analyses/transmission-d-entreprise-limiter-cout-fiscal
https://nextstage-am.com/apport-cession-bien-comprendre-son-fonctionnement/
https://www.auguste-patrimoine.fr/gestion-patrimoniale/150-0-b-ter




